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Butumbo
Masque "Butumbo" (cérémonies d'initiation) Zaire fin XIXe
Dans une petite chambre à la tapisserie italenne rouge,
au rez-de-chaussée de la grande maison de mon grand père à Carthage
Le petit masque "Butumbo" du Zaire
L'air doux d'un printemps qui annonçait l'été inondait le jardin
Odeurs de citronniers, de menthe et de violettes
Les chats paressaient à l'ombre du palmier.
Mon frère en avait peur, ma mère en était amoureuse, mon père le retenait précieux
Mon regard en était ensorcelé.
J'imaginais le le long voyage de mains en mains, de vie en vie pour arriver enfin dans ce coin rouge.
Le petit masque Butumbo du Zaire.
La tire-boulette dans la poche, le petit sac de billes.
La pagaille des moineaux sur le grand eucalyptus.
La voix de ma mère qui nous appelait. Le couscous du dimanche était prêt.
Mon père l'avait accroché sur le mur blanc de son bureau entre ses livres et ses rêves.
Mon frère l'avait décoré d'une grande moustache de laurier
C'était le vent d'Afrique que mon grand père portait dans ses poches au retour de ses voyages.
Le petit masque Butumbo du Zaire.
La vie s'écoulait, l'enfance se liquéfiait dans le bleu de la Méditerranée
Les premières amours, les tourbillons politiques et sociaux
Le retour forcé sur "le grand bateau blanc" à nos racines assoupies en Italie
Mon grand père nous avait laissé. Son grand sommeil sur une colline ensoleillée.
Toute notre vie dans des bagages tout le long d'un pays merveilleux mais inconnu.
À la recherche d'une nouvelle vie. Dans mon sac à dos, enveloppé dans du papier
Le petit masque Butumbo du Zaire.
Les soucis de mes parents, les enthousiasmes le la jeunesse, la brûlante envie de vivre
Palerme, Naples, Rome, Gènes, jusqu'au nord.
"La maladie" de l'art, les souffrances et les joies.
La fierté de mon père, sa force, sa détermination. Les sacrifices de ma mère.
Son couscous du dimanche quand même.
Dans la grande maison de mon père, blottie dans les collines du nord, sur un mur de la salle à manger.
Le petit masque Butumbo du Zaire.
Je me perds parfois, encore ensorcelé, dans ses yeux profonds et mystérieux, dans son éblouissante magie
Précieux pour moi, comme une tête de Modigliani, une sculpture de Brancusi, un tableau cubiste de Picasso.
Le petit masque Butumbo du Zaire.
Melodia africana III Ludovico Einaudi
Edited by Francesco Pagni. Texte, Photo.
Video Youtube.
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Commentaires
Voici un condensé de vie, une souvenance rêveuse suscitée par un objet d'art authentique remonté du fond de l'enfance, du fond de l'exil, ayant voyagé miraculeusement jusqu'ici. Après des tribulations mystérieuses il nous arrive en partage magique et fascinant "comme une tête de Modigliani, une sculpture de Brancusi"...le petit masque Butumbo du Zaïre lui aussi, "à la recherche d'une nouvelle vie"...
Merveilleux billet ! (écrit par un chaman ?
)
Francesco,
Les masques interrogent toujours. L'un d'entre eux est le logo des éditions Lunatique avec qui j'ai le plaisir de collaborer : http://www.editions-lunatique.com/
Celui que tu présentes est très fort, sa mise en scène et son éclairage y apportent beaucoup. Et puis l'histoire personnelle derrière change tout.
Beau partage.
Objets inanimés avez vous une âme?...........:)
Envoûtant , fascinant et si précieux ce petit masque décoré d'un rameau de laurier.
Merci pour ce très beau partage.
Bonne soirée
Bel écrit,
Beau masque,
Ce laurier de moustache,
M'initieAmitié,
An(suite à un incident, j 'ai dû supprimer l ancien blog et replacer par celui-ci !)
Un masque qui en dit long et qui aurait tant à dire...Et ce texte...
Merci Francesco
Belle soirée
Vraiment, j'aime bcp ! un masque qui ponctue le quotidien de plusieurs vies comme un totem...
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En quelques lignes, la saga d'un trésor ! chatoyant et ensorcelant...